Avis de l'UNPS sur le projet d'ordonnance prescription électronique

Mercredi 15 juillet 2020 à 08H23

A titre liminaire, il est important de rappeler que le déploiement de la prescription électronique constitue l'un des enjeux majeurs fixés dans l'ACIP signé entre l'Assurance maladie et l'UNPS et publié au journal officiel le 7 avril 2019. En effet, selon l'article 7.4 de l'ACIP, « la gouvernance, les principes et les règles applicables à la mise en place et au déploiement de la e-prescription, y compris le cahier des charges, doivent être définis de manière conjointe entre l'assurance maladie et les représentants des professionnels de santé. »

 

Nous sommes donc surpris de constater que l'ordonnance qui nous est soumise semble prévoir une gouvernance unique de ce dispositif par l'Assurance maladie, sans que ce point ait été établi en concertation avec les organisations membres de l'UNPS.

 

L'UNPS demande donc, en premier lieu, que soit introduit, dans cette ordonnance, un article indiquant que : « conformément à l'Accord cadre interprofessionnel signé entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et l'union nationale des professionnels de santé, la gouvernance du dispositif ainsi que sa mise en place seront définies de manière conjointe entre l'assurance maladie et les représentants des professionnels de santé. »

 

Sur le projet d'article L. 4170 CSP :

 

Différence de traitement entre la ville et l'hôpital :

 

Cet article prévoit que « I.- Les prescriptions de soins, de produits de santé ou de prestations effectuées par les professionnels de santé autorisés à prescrire en application du présent code sont établies de manière dématérialisée et transmises par voie électronique à l'assurance maladie, à l'exception des prescriptions effectuées et exécutées au sein des établissements de santé. »

 

L'UNPS dénonce fermement la différence de traitement instaurée entre professionnels de santé de ville et professionnels hospitaliers et souhaite en connaître les raisons.

 

Exclusion de tout contrôle a priori par l'Assurance maladie :

 

Il convient de faire preuve d'une particulière vigilance sur le risque sérieux que représenterait un contrôle a priori des prescriptions avant dispensation. Si ce point a été source de discussions au cours de l'expérimentation, qui a mené à la mise en place d'un dispositif excluant tout contrôle a priori des prescriptions par l'Assurance maladie, il mérite cependant d'être réaffirmé dans l'ordonnance : le 1er paragraphe du II de l'article L. 4170-1 pourrait être complété en ce sens.

 

S'agissant des exceptions :

 

Ce même article prévoit un décret précisant notamment les cas dans lesquels la dématérialisation peut ne pas être mise en œuvre : il conviendrait d'indiquer, dans l'ordonnance, les motifs généraux menant à l'application de ces exceptions, avant de les décliner précisément dans le décret. L'UNPS et l'ensemble des professions concernées devront, en tout état de cause, être destinataires de ce projet de décret.

 

Sur le projet d'article L. 161-35-2 CSS :

 

Cet article confirme que la dématérialisation et la transmission électronique des prescriptions sera obligatoire, « sauf opposition des assurés sociaux dûment informés au préalable ». Ici encore, les motifs généraux de ce refus devront être précisés dans l'ordonnance. Le décret d'application, dont l'UNPS et l'ensemble des professions concernées devront également être saisies pour avis, détaillera les modalités de recueil de cette opposition ainsi que les motifs précis, afin d'éviter que le professionnel de santé ne soit pénalisé.

 

Il est par ailleurs impératif que le patient se voie remettre une copie papier de la e-prescription car elle constitue un document de référence indispensable (posologie, durée du traitement, etc.). Il serait donc souhaitable que l'ordonnance prévoie l'obligation, pour le praticien, de remettre une copie papier de l'ordonnance à l'assuré. La fin du premier alinéa du nouvel article L. 161-35-2 du code de la sécurité sociale pourrait se voir ajouté les dispositions suivantes : « Ils en remettent une copie sur support papier aux assurés sociaux, selon les modalités fixées par les conventions mentionnées à l'article L. 161-34. »

 

Nous souhaiterions enfin savoir si la copie de l'ordonnance éditée sur support papier contenant un QR code, pourrait permettre de récupérer l'ensemble des informations prescrites de manière hors ligne : il y a en effet des cas dans lesquels le professionnel de santé ne peut pas se connecter (exemple : au domicile des patients).

 

S'agissant de l'application de ce dispositif aux dispensations de soins :

 

Nous nous interrogeons sur les modalités de mise en œuvre de la e-prescription pour les professionnels de santé à la fois prescrits et prescripteurs, ainsi pour ceux qui ont une activité importante au domicile des patients. Nous souhaiterions, d'ores et déjà, connaître les éventuelles adaptations envisagées de ce dispositif pour ces professions.

De manière plus générale et afin de permettre à chaque acteur concerné de se préparer, il est indispensable de mettre en place, pour l'ensemble des professions de santé et dans les plus brefs délais, une expérimentation sur la e prescription de soins.

 

Sur la mise en œuvre de ce dispositif :

 

Nous constatons que la mise en œuvre efficace de ce dispositif est liée au déploiement rapide de la e-cps. Le professionnel de santé, notamment lorsqu'il exerce sur plusieurs sites, devra pouvoir accéder à sa e-cps pour prescrire et effectuer ses télétransmissions de manière dématérialisée. Nous vous remercions de bien vouloir nous confirmer que ces deux outils seront déployés conjointement.

La mise en œuvre de la e-prescription nécessitera par ailleurs une adaptation des logiciels métier, adaptation dont le coût ne saurait être à la charge des professionnels de santé concernés.

 

Les professions membres de l'UNPS demanderont donc à l'UNCAM une compensation financière afin de neutraliser le surcoût de la maintenance des logiciels métier pour le développement de l'utilisation de ce nouveau téléservice mis en place par l'assurance maladie.

 

S'agissant du calendrier et des délais d'application du dispositif :

 

Nous pouvons nous interroger sur la compatibilité de la date de publication de l'ordonnance, prévue à l'automne, avec les termes de l'article 55 de la loi du 24 juillet 2019, qui prévoit que cette ordonnance doit être prise dans un délai de 12 mois à compter de la date de publication de la loi, soit au plus tard le 26 juillet 2020.

 

Il est par ailleurs prévu une date d'application du dispositif au 31 décembre 2022 s'agissant des prescriptions de spécialités remboursables par l'assurance maladie : le respect de ce délai pourrait, selon certaines organisations membres de l'UNPS, s'avérer difficile à respecter.

 

S'agissant des autres prescriptions, la date limite d'entrée en vigueur de ces dispositions, fixée au 31 décembre 2024, ne pourra être respectée qu'à la seule condition de mettre en place, dans les plus brefs délais, une concertation et une expérimentation intégrant chaque profession concernée.